Aux Pugets, à Saint-Laurent-du-Var, voter Le Pen c'est crier un désespoir Imprimer
Écrit par Nice Matin   
Mercredi, 02 Mai 2012 06:48

Les tours. La mixité sociale. Un cocktail qui étouffe dans un désert commercial. Aux Pugets, la vie va entre calme relatif et incivilités - encore - pas trop ostentatoires. Entre petits bonjours à peine esquissés et portes qui se referment à la hâte...

 

 

 

« Vous savez, ici, les gens ne se parlent pas beaucoup. Moi, je vote pas Le Pen grand Dieu, mais je sais pas ce que fait mon voisin... et je crois que finalement, je préfère pas savoir », raconte, sur la défensive, Jean-Maurice, 10 ans de Pugets.

 

C'est dans le quartier des Pugets et alentours que « la fille de son père », comme dit Jean-Maurice, a fait le meilleur score à Saint-Laurent-du-Var. Entre 28% et près de 35% selon les bureaux.

 

Pour Hayet, jolie brunette de 42 ans, c'est une « mauvaise surprise ». « C'est sûr, il y a quelques jeunes qui fichent la pagaille et les personnes âgées, elles n'aiment pas ça. Moi non plus d'ailleurs, mais c'est pas une raison. Ici, c'est chacun pour soi et Dieu pour tous. »

 

« Regarde autour de toi. C'est mort ici ! Ce n'est pas l'insécurité, c'est l'indifférence. On disparaît lentement. J'ai voté Le Pen pour ça. Pour lui donner une chance de représenter les gens qui en ont plein le c... d'être invisibles. Mais après Le Pen, on votera quand même tous Sarkozy, on va pas laisser le pays aux laxistes socialistes, quand même », lâche, la hargne au cœur, Marc, jeune père de famille, avant de tourner les talons.

 

Au pied des tours rosées, Daniel traîne sa quiétude, en même temps que son chien.

 

« Je ne suis pas vraiment étonné du score du FN. Les grands-mères, elles voient trop de gens d'origine étrangère dans le coin. Pourtant, c'est un quartier plutôt tranquille. Les boîtes aux lettres ne sont pas arrachées, les murs pas tagués. Je pense que dans la plupart des cas le vote Le Pen, c'est du racisme, la peur de l'étranger. Je pense qu'on a l'esprit assez étriqué dans le quartier ».

 

Étriqué, envahi par les clichés ?

 

« J'ai voté Le Pen et c'est pas la première fois. Et dimanche ce sera pour le président. Je ne suis pas raciste. Mais ça me gave d'attendre le bus et d'avoir l'impression d'être à Bab el Oued. Bab el Oued, c'est beau, mais dans leur pays. C'est trop ici. Je ne leur veux pas de mal, mais que ceux qui n'ont rien à faire ici, rentrent chez eux. Marre de voir des femmes voilées, des hommes qui traînent la savate toute la journée », râle Pascal retraité.

 

« Il n'y a que Marine Le Pen qui ose dire ces choses. Moi aussi j'ose. Et j'espère que Sarko il a compris le message, va falloir qu'il compose avec ceux qui ont voté FN. »

 

« Oui, je suis raciste alors, une grosse facho »

 

C'est Malika qui sort de la Tour 2. Les cheveux dissimulés sous un foulard, sourire lumineux accroché au visage.

 

« Le Pen ? Je suis contre le communautarisme. On est tous des humains, tous pareils. Moi je vis ici, mais je n'ai rien demandé ! On a fait venir mon père dans les années 70. Alors j'ai fait ma vie ici, et je suis heureuse. J'ai quatre enfants. »

 

Heureuse, aussi Huguette ! Une grand-mère heureuse, « pas raciste », et qui vote Le Pen. « Oh non , je ne suis pas raciste du tout. C'était juste pour essayer le changement parce qu'on en a un peu marre. Dimanche, je voterai pour Sarkozy. »

 

« Moi oui, puisque vous appelez ça comme ça, je suis raciste alors. Une grosse facho même. Je vote Le Pen, j'ai voté Le Pen et je revoterai Le Pen. Vous trouvez ça normal vous, que je ne trouve pas de boulot et qu'un étranger il en trouve en France ? ça ne vous choque pas vous ? Et là-haut, il y a des familles étrangères qui ont des logements sociaux, alors que rien pour les familles françaises ? Je dis bravo à tous les politiques qui ont laissé faire ça. Tous pourris. Ce sera blanc dimanche. Si c'est Hollande qui passe, j'attendrai qu'il ouvre les frontières et je regarderai les gens se lamenter », grogne, Valérie, 46ans.

 

Farida passe. Entend. Hausse les épaules. Rattrape son gamin par le bras. Et lui chuchote en riant. « Attention, la dame elle va te mordre... » Farida n'a pas la nationalité française. « On a l'habitude. Mais c'est une petite minorité. Mes voisins ont voté Le Pen. Mais, ils s'en fichent qu'on soit arabe. D'ailleurs, ils voteront Hollande dimanche. »